Chers collègues,
Voici la suite du feuilleton de l’Hôtel-Dieu de Paris. Il a fallu oublier les fariboles de l’ancienne direction générale et le fameux “hôpital debout”. Il faut aujourd’hui prendre du recul à l’égard du pudding imaginé par l’actuelle direction générale. En effet, par une lettre diffusée hier et que vous trouverez ci-dessous, le professeur Loïc Capron nous apprend que désormais l’avenir de Hôtel-Dieu est placé en partie entre les mains de la Commission médicale d’établissement (CME) qu’il préside. Sans être trop optimistes, gageons qu’il en sortira un projet plus rationnel et moins dispendieux. Le vote de la CME est prévu au printemps 2015. Il est loin d’être acquis.
On aimerait savoir sur quels arguments repose le “principe” qui justifie de garder l’Hôtel-Dieu au nombre des hôpitaux de l’AP-HP. Selon le document joint à ce courrier et que vous trouverez également ci-dessous, tout se passe comme si on ne pouvait totalement transformer l’Hôtel-Dieu et renoncer à en faire un hôpital pour des raisons politiques, à cause notamment de la mairie de Paris, plus soucieuse de son image et de ses intérêts que de ceux de l’AP-HP (voir ici), et comme si, pour des raisons médico-économiques, on ne savait trop quelles activités mettre ou laisser dans des bâtiments à rénover pour un investissement d’au moins 170 M€. Et tout cela au détriment des autres hôpitaux de l’AP-HP, dont les besoins sont pourtant criants.
In fine, l’addition risque d’être salée et pourra intéresser la Cour des comptes. Il sera trop tard.
Amitiés et bon courage.
Bernard Granger.
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Chères et chers élus de la CME de l’AP-HP,
Notre directeur général a établi le principe que l’Hôtel-Dieu de Paris doit rester un hôpital de l’AP-HP ; sinon en totalité, du moins pour une part de ses surfaces.
À de nombreuses reprises, vous et moi avons exposé à M. Hirsch nos objections médicales et budgétaires à ce projet, mais nous sommes aujourd’hui devant une alternative :
- ou bien nous nous opposons à cette décision irrévocable et déclenchons une crise de gouvernance,
- ou bien nous prenons part au projet de l’Hôtel-Dieu qui, pour l’essentiel, reste à construire.
La première solution me semble trop chargée d’aléas pour vouloir vous y engager derrière moi : que ferons-nous quand le dialogue médico-administratif sera bloqué ?
La seconde voie n’est pas une capitulation sans condition :
- nous acceptons la discussion, en restant fidèles à nos deux votes sur le sujet, qui ont établi (1) le respect scrupuleux de la qualité et de la sécurité des soins, et (2) le principe d’équilibre budgétaire strict ;
- la CME crée un groupe de travail ad hoc sur le projet de l’Hôtel-Dieu, spécialement chargé de coordonner notre participation à l’élaboration du projet ;
- je copréside avec le directeur général l’instance centrale de réflexion sur le futur Hôtel-Dieu ;
- après un maximum de six mois de travail (avril 2015), la CME votera sur le projet qui lui sera soumis.
Telle est la position que j’ai défendue devant le directoire du 16 septembre en réponse à la proposition du directeur général (document joint) et avec l’appui de nos collègues présents (les Prs Ariane Mallat, Noël Garabédian et Benoît Schlemmer).
Face à l’urgence de rétablir la libre circulation des biens et des personnes entre l’Hôtel-Dieu et le reste de l’AP-HP, M. Hirsch m’a demandé un engagement rapide. C’est pourquoi je n’attends pas notre prochaine réunion pour vous informer de ma position et vous en décrire les motifs et conditions.
Avec mon plus cordial dévouement,
Loïc Capron
président de la commission médicale d’établissement
de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris
01 40 27 37 91
http://cme.aphp.fr/
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L’Hôtel-Dieu de Paris
Document adopté par le directoire de l’AP-HP le 16 septembre 2014
Introduction
Si les investissements nécessaires pour l’Hôtel-Dieu n’ont pas été intégrés dans le PGFP examiné par les instances au mois de juillet 2014, il a été confirmé que l’instruction de ce projet serait poursuivie, sur la base des premières orientations discutées au conseil de surveillance de juin 2014, et en tenant compte de trois impératifs : la garantie de la qualité et de la sécurité des soins ; un Hôtel Dieu dont le compte d’exploitation ne soit pas déficitaire ; une mise aux normes qui n’obère pas les besoins de financements des autres projets de l’AP-HP, d’ores et déjà inscrits au PGFP. La commission médicale d’établissement a été particulièrement claire sur ces points et y sera, à juste titre attentive dans l’avenir.
Dans ce cadre, l’hypothèse d’une cession de l’Hôtel Dieu est close. En revanche, la mairie de Paris a fait connaître son accord, sur la base des premières orientations discutées, d’une modification du PLU rendant possible un projet d’ensemble. En effet, comme exposé au conseil de surveillance, le projet de l’Hôtel-Dieu comprendra plusieurs volets, au-delà du projet médical stricto-sensu.
– Des activités, qui sans être directement des activités de soins, sont utiles à l’ensemble des dimensions hospitalo-universitaires de l’AP-HP, comme la délégation à la recherche clinique, l’AGEPS, des centres de ressources (type GEROND’IF), qui pourraient gagner à être rassemblés sur un même lieu et trouveraient leur synergie avec des centres à vocation régionale et nationale ainsi qu’avec la chaire d’économie de la santé et la santé publique ; des espaces communs à l’AP-HP pour les conférences, réceptions, séminaires, mais aussi ouverts au public, avec une ouverture plus forte sur le parvis de l’Hôtel de Ville ; des questions, comme la localisation de l’école de chirurgie (et de formation des IADE/IBODE) restent ouvertes, en fonction d’une analyse des avantages/inconvénients par rapport aux autres localisations possibles.
– Des logements, en partenariat avec la ville de Paris, pourront inclure des logements sociaux, des logements étudiants, mais aussi, des logements spécifiques à l’AP-HP pour l’accueil de « visiteurs » dans le cadre des programmes internationaux de l’AP-HP.
– L’accueil d’activités liées à des partenariats avec la Ville de Paris, avec des organismes médico-sociaux, cohérentes avec la vocation de l’Hôtel-Dieu et dans un cadre conventionnel contribuant à son équilibre économique d’ensemble.
En ce qui concerne le projet médical, sans entrer dans les détails et préjuger de l’expertise et des concertations plus approfondies à réaliser, ce document, adopté lors du directoire du 16 septembre 2014, cadre la réflexion autour d’une dizaine de points, pouvant constituer la charpente du projet médical.
La commission médicale d’établissement sera associée, par ses représentants, aux réflexions conduites sur le projet médical, tout au long de ce processus, sachant que le projet global de l’Hôtel-Dieu devra associer l’ensemble des parties prenantes (notamment les partenaires sociaux en interne à l’APHP, ainsi que les universités et leurs communautés, les EPST, avec bien sûr l’INSERM, les acteurs de la médecine de ville, la ville de Paris et l’agence régionale de santé).
Trame du projet médical soumise à concertation
- Hôtel-Dieu et urgences
La stratégie globale d’amélioration des urgences lancée en juin 2014 assigne à l’Hôtel-Dieu une place nouvelle dans le nouveau schéma des urgences de l’AP-HP en précisant plusieurs points :
- l’Hôtel-Dieu pourra répondre aux Parisiens qui ont besoin rapidement d’un avis ou d’une consultation médicale et qui aujourd’hui se rendent dans les services d’urgence, à défaut d’un recours mieux adapté à leurs besoins ; l’Hôtel-Dieu leur garantira une prise en charge plus rapide avec des médecins urgentistes, des médecins généralistes et des médecins spécialistes. Il contribuera donc à diminuer la « pression » sur les autres services d’urgence ;
- son plateau technique en imagerie (IRM, scanner, radiologie conventionnelle), avec de larges plages d’ouverture et des tarifs exclusivement en secteur 1, sans dépassement, pourra être à la disposition des patients ayant recours directement à l’Hôtel-Dieu, ou adressés par l’un des services de l’AP-HP ou par les médecins de ville ;
- l’Hôtel-Dieu sera organisé pour répondre à des urgences en psychiatrie, pour mieux orienter les patients présentant des problématiques de santé mentale, pour bien prendre en compte les difficultés des patients en situation de précarité ;
- lorsqu’un dispositif de régulation aura été contractualisé entre la Brigade des sapeurs-pompiers (BSPP) et le SAMU, l’Hôtel-Dieu pourra proposer un accès « régulé » aux patients adressés par les ambulances ou les véhicules de la BSPP, lorsqu’ils relèvent des services disponibles à l’Hôtel-Dieu ;
- l’Hôtel-Dieu restera le lieu d’ancrage du véhicule du SMUR et de l’équipe attachée à ce véhicule ;
- il gardera un lien de complémentarité avec le service d’urgences de Cochin avec une liaison dédiée entre l’hôpital Cochin et l’Hôtel-Dieu.
La mise en oeuvre de la stratégie globale des urgences a fait l’objet de groupes de travail, pilotés par la directrice de la DOMU et le Pr CARLI. Parmi ces groupes de travail, un groupe spécifique a été constitué sur l’organisation bi-site entre Cochin et l’Hôtel-Dieu, chargé de veiller à proposer les conditions de mise en oeuvre de ces orientations, en veillant à ce qu’elles soient conformes aux exigences de qualité et de sécurité des soins, tout en permettant de décharger les SAU de patients qui n’ont pas besoin de soins lourds.
Les garanties concernant la qualité et la sécurité des soins seront bien évidemment un élément décisif pour que des patients puissent être transportés à l’Hôtel-Dieu par des véhicules de secours et devront être étayées et, le cas échéant, donner lieu dans un premier temps à une phase expérimentale. La CME sera davantage associée à ces travaux.
Vers la mi-octobre, les conclusions de ces groupes de travail devraient être connues et permettre d’apporter des réponses aux interrogations concernant les moyens, les procédures et l’organisation.
- Centre de médecine ambulatoire
L’intérêt d’un centre de médecine ambulatoire se justifie par un triple besoin : les liens avec la médecine générale, un service rendu aux hôpitaux de l’AP-HP ; des besoins des patients.
Le projet doit être source d’innovations en vue de réduire le recours à l’hospitalisation, de favoriser les bons parcours de soins, de faire jouer la pluridisciplinarité (entre médecine générale, médecine spécialisée, imagerie et explorations fonctionnelles), de renforcer le lien entre médecine somatique et santé mentale, de tester de nouveaux modes de coopération entre médecine de ville et médecine
hospitalière, de développer une approche médicale, scientifique et indépendante des intérêts industriels de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information au suivi des patients (médecine dite « connectée »).
Cela suppose de clarifier les attentes des médecins de ville à l’égard du projet, pour veiller à ce que le centre de médecine ambulatoire ne soit pas perçu comme un concurrent ou un supplétif à la médecine de ville. Une concertation plus formelle avec les syndicats médicaux, l’URPS ainsi qu’avec l’ARS pourra être conduite d’ici la fin du mois d’octobre.
S’agissant des consultations spécialisées, il s’agit avant tout de répondre à des besoins exprimés par les hôpitaux de l’AP-HP.
Cette médecine ambulatoire doit être universitarisée (formation et recherche). Cette activité doit être évaluée (du point de vue médico-économique).
- Hospitalisation à domicile
Outre la localisation à l’Hôtel-Dieu du siège de HàD, l’intégration de cette activité à l’Hôtel-Dieu doit permettre de mieux développer l’HàD avec la médecine de ville, avec les urgences, avec la médecine ambulatoire.
- Santé publique et économie de la santé
La chaire d’économie de la santé (avec l’URC Éco) et l’unité d’épidémiologie et de biostatistiques (et les équipes liées à cette unité) permettent de constituer un noyer d’équipes de santé publique/économie en partenariat avec l’INSERM, les universités et d’autres organismes.
- Éducation thérapeutique
L’éducation thérapeutique peut avoir sa place à l’Hôtel-Dieu dès lors qu’elle ne remet pas en cause la nécessaire proximité entre les soins et le lieu de formation. Elle se justifie dans un projet plus global incluant l’Institut du Patient, proposé par la FHF, et un projet articulé avec la médecine de ville.
- Santé mentale
La dimension santé mentale s’appuie d’abord sur l’activité de psychiatrie d’urgences déjà présente à l’Hôtel-Dieu, pouvant venir en appui du centre d’accueil en urgences, s’articulant avec la consultation médico-judiciaire. Elle peut être élargie à d’autres dimensions ; des propositions ont été faites qui méritent d’être approfondies et partagées.
- Soins de suite et de rééducation et long séjour
Ces activités peuvent s’inscrire dans une vision globale du SSR et du SLD dans Paris intra-muros, avec l’avantage d’une localisation au coeur de Paris, très facilement accessibles aux familles et pouvant poursuivre la stratégie d’humanisation de ces activités.
Ce projet doit être d’abord étudié sous l’angle de la faisabilité (normes ; adéquation des peignes de l’hôtel Dieu ; coûts) en même temps que sa cohérence avec les autres projets dans ce domaine.
- Lits halte soins de suite
Cette activité, qui relève du médico-social, peut trouver sa place à l’Hôtel-Dieu, en cohérence avec les besoins exprimés par nos partenaires (ville de Paris, SAMU social) et la présence d’une PASS (pouvant être renforcée) d’un centre d’accueil d’urgences.
- Prévention
La dimension « prévention » peut se trouver logiquement dans les projets de la chaire HOSPINNOMICS, de l’unité d’épidémiologie et de biostatistique, dans le renforcement de l’espace santé jeunes, dans l’accueil de la médecine universitaire, mais aussi dans le centre de médecine ambulatoire, dans l’éducation thérapeutique (et préventive), des projets thématiques autour de l’activité physique et de la nutrition, du « bien vieillir » ; il s’agit de concevoir la prévention telle qu’elle peut s’intégrer dans le projet d’un grand CHU, dans un site particulièrement connecté avec la médecine de ville.
10. Articulation avec les groupes hospitaliers
La question d’une autonomie de l’Hôtel-Dieu par rapport à un groupe hospitalier spécifique ou de l’intérêt de le maintenir rattaché à un groupe hospitalier (HUPC) reste ouverte et sera tranchée en tenant compte de la part respective des activités médicales qui concernent l’ensemble de l’AP-HP.