Chers collègues,
Le rapport Kervasdoué sur l’accueil des malades étrangers en France vient d’être rendu public (pour aller vite, voir le résumé de Challenges). Les médecins français sont réputés, nos chirurgiens parmi les meilleurs au monde, seuls pêchent les conditions hôtelières : « […] à de très rares exceptions près, aucun établissement sanitaire français n’est au standard international », écrit l’économiste. S’il veut que la France joue dans la cour des grands du tourisme médical haut de gamme, il faut donc que l’Etat se dote d’une agence interministérielle et, logiquement, construise des palaces hospitaliers. Il est précisé que les riches Français pourront aussi en bénéficier. Merci pour eux.
Si les riches étrangers ne viennent pas à nous, nous irons à eux : les hôpitaux français se tournent vers l’exportation.
L’avenir est-il aux applications de santé ? Mirage et charlatanisme pour les uns, progrès renversant pour les autres : la question est posé et il faut y répondre, si possible en visant l’intérêt des malades, et non celui des firmes qui s’engouffrent dans ce nouveau créneau (voir ici et là).
Les ânes – il n’y pas d’autre mot – qui ont instauré et maintenu si longtemps le numerus clausus à l’entrée en 2e année de médecine (voir à ce sujet le rapport très critique de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, qui souligne la courte vue de la régulation), et ceux, souvent les mêmes, qui ont décidé de supprimer le maximum de lits dans les hôpitaux peuvent contempler le résultat de leurs décisions, en toute impunité :
- disparition des médecins généralistes dans certaines parties du territoire, comme à Château-Chinon ;
- les urgences engorgées quasiment partout, faute notamment de lits d’aval ;
- des délais qui s’allongent encore pour obtenir un rendez-vous de consultation (même cause, même phénomène au Royaume-Uni).
Le New York Times nous apprend qu’en Grèce de fausses infirmières remplacent les vraies en raison de l’austérité.
Trois milliards d’euros d’économie sont à réaliser par l’hôpital public en 2015-2017, sur les 10 milliards d’économies demandés à l’assurance maladie. Satisfaits de l’accueil que leur a réservé la ministre, les « conférences » (présidents de CME et directeurs des CHU, CH et CHS) et la Fédération hospitalière de France ont déchanté lorsque le mode d’emploi de ce qu’on n’ose plus appeler efficience leur a été expliqué par Pierre Ricordeau, secrétaire général des ministères chargés des Affaires sociales. Si l’on en croit une dépêche de l’APM (sur abonnement), nos directeurs ont le sentiment que les agences régionales de santé prennent totalement le pouvoir qu’ils avaient naïvement cru recevoir en 2009 des mains du président de la République de l’époque. Il leur faudra tailler dans les effectifs et les dépenses le pistolet de l’ARS sur la tempe. En effet, selon l’APM, le gouvernement « a prévu au niveau central un « groupe déploiement », composé de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la direction générale de l’offre de soins (DGOS), la direction de la sécurité sociale (DSS), du secrétariat général, de six directeurs généraux d’agences régionales de santé (ARS), et de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), et, au niveau régional, d’un responsable opérationnel qui travaillerait à plein temps dans chaque ARS ». On connaît les funestes menées de l’Anap (voir ici et là). Il eût été dommage qu’elle n’intervînt pas dans ce conglomérat de technocrates à calculette. Les directeurs d’hôpitaux devraient faire grève pour protester contre cette perte d’autonomie et cette défiance. Les conséquences sanitaires de cette politique d’austérité sont hélas prévisibles. Les hiérarques à l’origine de ces restrictions seront-t-ils tenus pour responsables des dégâts ?
L’Igas vient de publier un rapport sur « l’évaluation de la coordination d’appui aux soins ». Dans leur sagesse, les inspecteurs constatent que les dispositifs de coordination multiples mis en œuvre depuis de longues années ne valent pas lourd et qu’il vaut mieux que le médecin de premier recours fasse appel à eux uniquement s’il le juge nécessaire. Cette phrase du rapport dit tout de l’usine à gaz qu’est en train de devenir cette coordination, aussi coûteuse que peu utile aux patients : « Cette situation conduit à organiser la coordination de la coordination, dans une fuite en avant nuisible tant à l’efficacité qu’à la lisibilité pour les principaux intéressés. » A l’avenir, l’Igas préconise que l’ARS soit « chargée de l’offre de coordination ». L’ARS encore, l’ARS toujours, qui s’impose à la fois comme la bonne à tout faire et la maîtresse de maison de notre système de soins.
La lutte contre le lobby du tabac, qui serait pourtant fort utile à la “santé”, attendra, selon Jean-Yves Nau.
Inquiets pour leur avenir et très critiques à l’égard de la loi dite de “santé”, les internes et chefs de cliniques incarnent le mécontentement médical. Leur grève du 4 février a été un succès. La manifestation du 15 mars se présente bien.
La charte nationale de déontologie des métiers de la recherche vient d’être signée par les principaux organismes de recherche français. Il ne reste plus qu’à l’appliquer.
Amitiés et bon courage.