Chers collègues,
Vous trouverez ci-dessous la réponse signée à titre personnel par trois responsables syndicaux représentant les étudiants hospitaliers, les internes et les chefs de clinique à la lettre ouverte que le Mouvement de défense de l’hôpital public leur avait adressée à l’occasion de la manifestation du 15 mars dernier. Une lecture réconfortante.
Amitiés et bon courage.
Chers collègues,
Vous avez souhaité nous écrire à la veille de la manifestation du 15 Mars dernier pour nous interpeller sur les enjeux de cette mobilisation. Il nous paraît essentiel de vous répondre, à l’issue des tumultes politiques et syndicaux qui ont suivi cette contestation.
Il est important pour nous de préciser en remarque liminaire que ce rassemblement était évidemment un rassemblement de circonstances, et pas un rassemblement idéologique. Si certains syndicats de médecins étaient farouchement opposés au tiers payant généralisé, nous étions vent debout contre la privatisation du remboursement du soin en ville par l’intermédiaire d’assureurs, au détriment de l’assurance maladie solidaire. Nous sommes engagés dans ce combat depuis plusieurs années, tout d’abord contre la loi Leroux qui a créé les réseaux de soins mutualistes et dont les médecins ont été exclus, grâce, entre autres, à l’intervention des syndicats de jeunes médecins.
A l’issue d’une négociation âpre et difficile, et en nous basant sur la très forte mobilisation du 15 Mars, nous avons obtenu du gouvernement :
- Qu’un flux unique de paiement se mette en place pour rembourser les médecins, afin que les assureurs ne puissent pas, a priori ou a posteriori, décider de l’opportunité de rembourser un soin en fonction de critères commerciaux,
- Que l’assurance maladie obligatoire et solidaire assume le pilotage de la mise en place du TPG. A ce titre, l’article 18 du projet de loi santé a été amendé, sur notre impulsion en ces termes : « l’assurance maladie assume la mission générale de pilotage du déploiement et de l’application du tiers payant ».
Surtout, notre première critique vis à vis du projet de loi santé était de réformer à la marge un système agonisant.
Nous avons comme vous pris la mesure de la tâche qui doit être accomplie. La ville et l’hôpital se regardent sans réellement interagir, nous vivons tous ensemble dans ce système hospitalier productiviste et à bout de souffle, ou l’on nous demande toujours plus à moyens constants, afin de faire marcher à plein un système de tarification pervers qui ne tient compte ni des spécificités de nos malades ni de la complexité des prises en charge.
Une conférence nationale de santé a été décidée par le Premier Ministre. Elle a pour premiers objectifs de mettre en adéquation la formation des jeunes médecins avec le « virage ambulatoire », projet politique porté par le ministère de la santé et qui a pour objectif de recentrer les moyens du système de santé sur le soin de proximité, regroupé, pluri professionnel et pluridisciplinaire.
Nous plaidons pour que l’impérieuse réforme de la médecine de ville se fasse conjointement avec celle de l’hôpital, de ses missions, de sa tarification, et de la répartition géographique de l’offre de soins. Il serait catastrophique pour la santé en France que l’on réforme en dichotomisant, à nouveau, médecine de ville et soins hospitaliers. Une des raisons majeures des dysfonctionnements actuels de la santé en France tient en l’absence de coordination des différents acteurs. Pire, retirer des moyens à l’hôpital dans le contextes financier et tarifaire actuels signerait son arrêt de mort.
Nous sommes prêts à travailler avec vous pour participer à inventer ensemble ce que pourrait être la nouvelle donne de la santé en France, en vous apportant aussi la vision des jeunes médecins, radicalement modifiée par ses bouleversements démographiques et sociologiques.
Formés sous l’ère HPST, nous n’avons jamais réellement connu l’hôpital du temps où il allait bien. L’idée même qu’un hôpital puisse fonctionner harmonieusement nous est totalement étrangère. Nos perspectives d’avenir nous semblent sombres, entre un hôpital qui ne nous a jamais réellement montré ses atouts et une médecine de ville délaissée car solitaire et plus administrative que clinique. Ce spleen de la jeunesse peut paraîtreincroyable à imaginer alors que la médecine donne, ipso facto,un accès au plein emploi dans notre paysoù le chômage fait rage.
Au fond, le malaise de la jeunesse tient, à notre avis,d’avantage à l’écart grandissant entre la pratique médicale idéalisée qui a motivé notre engagement de médecin, tournée vers et pour le patient, et la réalité de notre quotidien.
Redonner du sens à notre métier et à notre mission de soignants est notre premier objectif, il ne peut passer que par un nouveau système de soins. Nous sommes résolus à participer à sa reconstruction, à vos côtés et aux côtés de tous ceux qui voudront bien œuvrer dans l’intérêt général de la santé des malades.
Sébastien Foucher
Jules Grégory
Julien Lenglet