La tribune de Martin Hirsch et Didier Tabuteau propose un projet qui mérite considération, mais la façon cavalière dont il est présenté laisse perplexe.
Didier Tabuteau avait été à l’origine de la charte pour une santé solidaire, que j’avais signée, comme beaucoup d’autres. L’assurance maladie comme complémentaire y était présentée comme une option (c’était le point 11 « Liberté de choix de la Sécurité sociale pour la protection complémentaire ») : la voici devenue obligatoire, ce qui revient à une étatisation de l’assurance maladie, qui d’universelle (universelle signifie qu’elle s’applique à tous) devient intégrale, mot plus approprié à la proposition d’un remboursement à 100 % des soins. La charte précisait dans son point 10 « Sécurité sociale finançant au moins à 80 % les soins pris en charge par la solidarité et à 100 % au-delà d’un plafond en cas de dépenses élevées restant à la charge du malade ». Nous voilà à 100 %.
Intégrale ou presque, car la copie de DT et MH ne dit pas ce qu’il en est des remboursements pour chambre seule, des remboursements des dépassements d’honoraires, ni des multiples autres prestations prises en charge par les assurances complémentaires et ne figurant pas à la nomenclature de l’assurance maladie. Vouloir rayer d’un trait de plume les mutuelles et assurances privées est illusoire. A l’heure actuelle, beaucoup de nos concitoyens ont une mutuelle d’entreprise, basique et souvent peu avantageuse, et une sur-complémentaire pour s’assurer sur ce que ne prend pas en charge la première assurance complémentaire. Cela continuera, et même s’amplifiera. La médecine dite à deux vitesses sera ainsi clairement mise en place.
Passons sur la pénalisation des patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous, qui est une ineptie, sauf cas particuliers.
Le temps est aux promesses, mais il convient d’être réaliste lorsqu’on envisage leur financement. Comment dire qu’il y a trop de dépenses de santé en France, annoncer 6 Mds € d’économies avec la disparition des assurances complémentaires (ce qui est douteux car elles continueront d’exister) et redistribuer aussitôt ces 6 Mds € en promettant de relever les honoraires des médecins, de créer des postes de praticiens et d’infirmiers dans les hôpitaux ? Il y a là une incohérence difficile à comprendre.
Surtout, il n’est pas précisé dans une tribune qui évidemment n’en laisse pas la place, sur quelle assiette seraient prélevées les cotisations de cette assurance maladie étatique intégrale. Ce ne serait pas un transfert pur et simple au budget de la sécurité sociale des cotisations payées pour les complémentaires selon son choix personnel ou celui de l’employeur. Il conviendrait que l’assiette soit large et que l’ensemble des revenus soit concerné. Le financement sera-t-il toujours assis en partie sur les revenus du travail ? Ou reposera-t-il intégralement sur l’impôt ?
Il manque donc un chiffrage affiné de cette révolution, qui ferait passer le système de santé français d’un régime mixte, de moins en moins bismarckien, à un régime carrément beveridgien, pour ne pas dire à une soviétisation quasi intégrale (déjà bien avancée à l’hôpital depuis HPST : voir ici). C’est un des points cruciaux du débat en cours sur le financement de notre système de santé, et sur la place de l’Etat, des assurés sociaux, des syndicats, des élus et des usagers dans sa gestion.
Enfin, d’autres points déterminants ne sont pas mentionnés : crise de la démographie médicale qui perturbe profondément notre système de santé, absence de politique de prévention efficace par une lutte résolue contre les lobbys du tabac, de l’alcool et de l’agro-alimentaire, délitement du tissu médical de ville, dégradation des soins hospitaliers en raison d’une politique de restriction budgétaire et d’un management pathogène, remboursement par l’assurance maladie de pratiques ou de traitements sans efficacité, surcodage des actes et des séjours, multiplication des hospitalisations et actes inutiles pour générer des recettes, bureaucratisation galopante, etc. C’est là que gisent les économies potentielles, bien plus que dans les frais de gestion des assurances complémentaires.
Pour ce qui est de la sécurité sociale, je préfère la charte pour une santé solidaire (qui exprime bien la notion de reconquête de la sécu, défendue dans une tribune signée André Grimaldi et Frédéric Pierru) à ces fantasmes de hauts fonctionnaires désireux de tout contrôler, et en définitive, avec le temps, capables de tout dégrader.
Amitiés et bon courage.
Il existe une autre charte issue du mouvement syndical , politique et associatif dont ma Coordination Nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité dont vous parisiens et CHU ne semblaient pas trop prêter attention :
Le socle commun de notre santé en danger:
http://www.coordination-nationale.org/NSED/SocleCommun.pdf
Dr Jean Scheffer
Bien confraternellement
Que veut donc dire ” une santé solidaire ” ? Strictement rien. Une santé défaillante, je comprends. Une attitude solidaire, pas de problème non plus.
Il est grand temps de faire attention à l’intoxication des esprits par des formules aussi ronflantes que vide de sens. Sinon, on est en plein dans la propagande et non dans le domaine de la connaissance.
François-Marie Michaut, Expression médicale http://www.exmed.org
Soviétisation ?? Manifestement les assureurs qui se battent comme des chiens pour nous vendre leur assurance complémentaire extraordinaire ont encore de merveilleux défenseurs !
Et pourtant une assurance santé totalement solidaire, à but non lucratif, c’est possible, c’est moins cher que Sécu + Complémentaires (faussement appelées “mutuelles”), et c’était d’ailleurs l’idée de départ, à la création de la sécu.
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